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Blog de la section PS Anzin

Chirac et Flosse, les parrains d’Air Tahiti

27 Avril 2009 , Rédigé par Pressoir.josé Publié dans #Information

Durant l’été 2002, peu après la réélection de Chirac à l’Elysée, la compagnie aérienne Air Tahiti, parrainée par Gaston Flosse, récupère deux Airbus qui ne lui étaient pas destinés.

Personnalité politique préférée des Français si l’on en croit le dernier baromètre Ifop, Jacques Chirac serait devenu, selon la ministre de la Culture, Christine Albanel, « une figure de grand-père pour tout le monde ». Et cette rescapée de la chiraquie d’expliquer ce retour de popularité par la « grande discrétion » de l’ancien Président.

 
C’est pourtant simple
© Oliv’

En fait, comme Bakchich l’a plusieurs fois souligné, cette discrétion ne date pas d’hier, notamment en matière d’avoirs financiers… à l’étranger. Depuis plusieurs mois, Jacques Chirac fait d’ailleurs l’objet d’investigation d’un juge d’instruction en poste à Tahiti. Lequel s’intéresse tant au compte japonais de l’ex-président qu’aux relations financières entre Chi-chi et Gaston Flosse roitelet de la Polynésie française. Discrétion oblige, Jacques Chirac a fait savoir que – par principe – il refusait de répondre à toute question du juge !

Deux Airbus tombés du ciel

Pour l’heure, Bakchich invite ses lecteurs à embarquer à bord d’Air Tahiti Nui, la charmante compagnie aérienne portée sur les fonds baptismaux par Gaston Flosse et dont l’histoire est presque aussi transparente que les eaux cristallines de ce lointain paradis.

Rendons à Gaston ce qui appartient à Gaston. C’est grâce à Flosse que la Polynésie française va être dotée en 1996 d’une superbe compagnie aérienne. Deux ans plus tard, le 20 novembre 1998, la compagnie aérienne prend de l’essor et effectue son premier vol inaugural entre Papeete et Los Angeles. Deux jours plus tard, Air Tahiti effectue son premier vol entre Papeete et Tokyo… puis ce sera Osaka, Auckland.

En 2002, une première liaison est établie avec Paris. C’est dans ce contexte de fort développement international qu’Air Tahiti Nui décide d’acquérir en 2002, deux nouveaux Airbus A340-300. L’histoire de cette acquisition mérite d’être racontée. À l’origine, les deux appareils avaient été commandés auprès d’Airbus par Swissair pour sa filiale charter AOM. Les Suisses versent une avance de 27 millions de dollars par appareil. Hélas, en juin 2001, la compagnie helvète dépose son bilan, tout comme ses deux filiales AOM et Air liberté.

Que vont devenir les deux appareils ? Et bien, les Airbus vont faire l’objet d’une âpre bagarre entre Airbus, qui veut conserver les avances consenties par Swissair, et le repreneur d’AOM et d’Air Lib, Jean-Charles Corbet. Or, contre toute attente, c’est la compagnie Air Tahiti, parrainée par Gaston Flosse, qui va récupérer les fameux avions. Disons que l’appui de Chirac, réélu en 2002, n’y est pas pour rien.

Du low cost à la française

Revenons aux épisodes précédents. Lors de la faillite de Swissair et d’AOM, la gauche plurielle est aux affaires. Le ministre communiste des Transports de Lionel Jospin, Jean-Claude Gayssot, s’inquiète de ces milliers d’emplois qui menacent de disparaître. Par ailleurs, les intérêts d’Air France sont en jeu. Notre champion du transport aérien est menacé par les redoutables compagnies low-cost anglo-saxonnes, telle Easy Jet. C’est ainsi que naît l’idée d’Air Lib, issue de la fusion AOM et Air liberté, dans une compagnie low cost « à la française », « concurrente » d’Air france certes, mais pas trop.

Dans ces conditions, le tribunal de commerce confie les actifs d’AOM et d’Air liberté à Jean-Charles Corbet qui présente la particularité d’être un ex-pilote et ex-dirigeant syndical… à Air France…

 

Chirac et Flosse
© Oliv’

Tout l’état-major d’Air Lib est d’ailleurs composé de cadres d’Air France plus ou moins missionnés. Swissair s’en tire donc à très bon compte. Au terme d’un protocole homologué par le tribunal de commerce. Swissair échappe à toutes formes de poursuites, notamment pénales. Un chèque pour solde de tout compte de 1,3 milliard de francs est versé. Cet engagement ne sera toutefois pas honoré, seuls 160 millions d’euros (1,05 milliard de francs) étant effectivement versés. Tout baigne !

Malgré ces bonnes fées, l’existence d’Air Lib est chaotique. Entre conflits sociaux et attentat du 11 septembre 2001, l’aventure est douloureuse. Et la trésorerie vient à manquer. Face au spectre d’un nouveau dépôt de bilan, Corbet se souvient soudain que pour l’acquisition de deux airbus, Swissair avait versé une avance 27 millions de dollars par appareil… Ni une, ni deux, ces fonds doivent lui être restitués. Pas question pour Airbus, qui considère que ces 54 millions de dollars d’avance lui appartiennent définitivement.


Jean-Charles Corbet marque des points

À Jean-Claude Gayssot d’arbitrer. Cela tombe bien : Gayssot entretient d’excellentes relations personnelles avec Jean-Luc Lagardère, principal actionnaire d’EADS. Et Noël Forgeard, patron d’Airbus, est invité à faire un geste commercial au profit d’Air Lib. Ces tractations débouchent sur un savant montage financier, dont la seule mise en place prendra plusieurs mois. Pour simplifier, l’idée est de monter, autour de ces deux avions, une opération de défiscalisation un peu sophistiquée.

Concrètement, Jean-Charles Corbet espère récupérer ainsi 50 à 60 millions de dollars de trésorerie. En cash ! Le 8 janvier 2002, Laurent Fabius, alors à Bercy, délivre son sésame (voir document ci-dessous). Plusieurs mois de négociations sont encore nécessaires pour mettre au point les détails de cette opération fort complexe. Fin juillet 2002, au lendemain du changement de majorité, c’est Francis Mer qui succède à Laurent Fabius et confirme le blanc seing de Bercy à Corbet.
 

Le 8 janvier 2002, Laurent Fabius, ministre des Finances approuve le montage fiscal d’Air Lib

Coup de théâtre, début septembre, Airbus fait savoir que les avions ne sont plus disponibles. Ces derniers ont fait l’objet d’une transaction avec Air Tahiti Nui. En quelques jours, cette compagnie du bout du monde réussit à mettre la main sur les deux appareils. À quelles conditions financières ? Mystère ou presque…

Entre temps, la donne politique a changé. Jacques Chirac a été réélu président de la République en mai. On pourra observer que Forgeard, avant d’être le patron d’Airbus, fut le conseiller industriel de Jacques Chirac, à qui il doit sa carrière. Une commission d’enquête parlementaire enquête sur le dossier. Le commissaire appartenant au groupe socialiste devait refuser d’approuver le rapport de la commission. Et notamment au motif qu’en « refusant d’auditionner certaines personnes, la commission s’est privée de la possibilité d’examiner de façon exhaustive les conditions de l’achat, par la compagnie aérienne Air Tahiti Nui, des deux Airbus A340 prévus initialement dans les engagements de l’Etat permettant la création d’un GIE ». Et l’élu socialiste d’ajouter : la commission « n’a pas non plus eu les moyens de faire toute la lumière sur la volonté politique de déstabiliser la compagnie Air Lib, au profit d’un autre projet destiné à la desserte de l’Outre-Mer, ou encore sur les conditions de vente d’Airbus obtenues par la compagnie EasyJet, l’un des bénéficiaires importants de la redistribution des slots d’Air Lib à Orly… »

 
Les banques conseils s’étonnent du retournement qui s’opère à la direction d’Airbus

Quelques aspects de la transaction apparaissent néanmoins. En premier lieu, les deux Airbus ainsi acquis par Air Tahiti sont logés au sein de deux Gie fiscaux différents. L’un immatriculé OESA au sein du GIE dénommé Rangiroa bail 2, un GIE qui présente la particularité d’avoir été constitué après la livraison de l’avion. Le second Airbus est logé au sein du GIE « AIR Tahiti Nui Refinancement ».

C’est au siège d’Airbus, à Toulouse, qu’a été négocié l’achat des deux avions entre Forgeard et le représentant d’Air Tahiti. Négociation commerciale qui a laissé quelques souvenirs au sein du géant de le l’aviation.

Selon le récit qui en a été fait à Bakchich, ces tractations se sont déroulées en deux temps. Lors du premier round, le négociateur dépêché par Air Tahiti à Toulouse a exigé une ristourne que Noël Forgeard a repoussé, la jugeant inacceptable. Quelques jours plus tard, l’homme venu du Pacifique revient à la charge, par téléphone, mais toujours avec les mêmes exigences.

Nouvelles protestations désolées du patron d’Airbus. Son interlocuteur le coupe et lui dit : « Attendez je vous passe quelqu’un… ». Au bout du fil ? Jacques Chirac ! Simple comme un coup de fil.
Bakchich

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