"Rien ne justifiait que je sois mise en examen", a déclaré aux journalistes à l'extérieur du pôle santé publique du tribunal de grande instance (TGI) de Paris la maire de Lille, qui a redit qu'elle souhaitait être entendue comme témoin dans cette affaire. Mme Bertella-Geffroy enquête notamment sur l'action des pouvoirs publics à partir des années 1970 jusqu'à l'interdiction de l'amiante. En 2005, un rapport sénatorial avait accablé l'État pour sa "gestion défaillante" de l'amiante, jugée responsable par les autorités sanitaires de 10 à 20 % des cancers du poumon et qui pourrait provoquer 100 000 décès d'ici à 2025.
Le caractère cancérigène de l'amiante est connu depuis les années 50, mais le premier décret réglementant son usage en France ne date que de 1977, et son interdiction de 1997. "Tout doit être fait pour que la justice comprenne ce qui s'est passé dans ce drame de l'amiante qui a fait des victimes au niveau mondial", a déclaré Mme Aubry. "La justice fait fausse route en s'attaquant à ceux qui ont protégé les salariés, et non à ceux qui les ont exposés", a-t-elle cependant estimé. "Tout cela ne peut que se terminer par une annulation" de la mise en examen, a-t-elle dit.
"Usage contrôlé" de l'amiante
Martine Aubry est sortie après 22 heures du pôle santé publique du TGI, où elle était arrivée vers 14 h 30 pour y être entendue en qualité d'ancienne directrice des relations du travail (DRT) du ministère du Travail entre 1984 et 1987. "L'après-midi a été extrêmement longue et les explications que nous avons données ont été extrêmement détaillées", a indiqué l'avocat de Mme Aubry, Me Yves Baudelot. Pour lui, l'idée de la juge était de mettre en examen sa cliente "quels que soient les éléments de fait qui étaient apportés."
La juge Bertella-Geffroy a d'ores et déjà entendu des dizaines de fonctionnaires, mais aussi des scientifiques et des industriels, et prononcé plusieurs mises en examen. Elle s'intéresse en particulier à l'influence prêtée dans les années 1980 et 1990 au Comité permanent amiante (CPA), qui était, selon l'association de victimes (Andeva), le lobby des industriels, lequel aurait efficacement défendu "l'usage contrôlé" de l'amiante pour retarder au maximum son interdiction. Interrogée par les policiers en janvier 2010, Mme Aubry avait plaidé la bonne foi, expliquant que jusqu'en 1994 - année où serait, selon elle, intervenue la nécessité d'interdire l'amiante - elle était convaincue que les décrets de 1977 et 1987 permettaient de protéger efficacement la santé des salariés.
"Aucune alerte n'est venue de la Cnam, du ministère de la Santé, d'autres acteurs ou des chercheurs pour nous dire que ce n'était pas le cas", avait-elle dit. Lundi soir, Michel Parigot, vice-président de l'Andeva, partie civile dans l'enquête, a abondé dans son sens en affirmant à l'AFP que le dossier d'instruction ne permettait pas actuellement de prouver une responsabilité pénale individuelle de Mme Aubry. Dans ce dossier technique et complexe, il a cependant pointé une "responsabilité" des pouvoirs publics, et en particulier de la DRT, qui ne se serait pas à l'époque donné les moyens de recueillir "les informations objectives indispensables pour prendre les mesures adéquates". Mais peu avant l'audition de Mme Aubry, Mme Bertella-Geffroy avait prévenu qu'elle se montrerait "imperméable" à toutes pressions dans sa décision de mettre ou non en examen Mme Aubry.
En ce qui me concerne, j'ose affirmer, sans honte, que je la regrette à la tête du PS
La juge va tout faire pour compromettre son retour