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Blog de la section PS Anzin

Ce n’est pas le juge d’instruction qu’il faut supprimer, c’est la Cour de Justice de la République

9 Mai 2010 , Rédigé par José Pressoir Publié dans #Information

La lecture de la décision de la Cour dans le cas Pasqua illustre bien ses difficultés. D’un côté, les juges reconnaissent la gravité des faits reprochés à l’ancien Ministre. De l’autre, ils l’acquittent”. “Cette juridiction bancale doit donc être supprimée“. (le blog d’Eva Joly)
Nicolas Sarkozy semble avoir renoncé, du moins pour l’instant, à la
suppression du juge d’instruction à laquelle il tenait tant. La Garde des Sceaux disait il y a peu encore qu’elle souhaitait que le texte soit examiné cet automne ; mais le Président de la République vient d’indiquer qu’il fallait donner du temps au temps, et celui du Sénat a très clairement laissé entendre que son assemblée n’examinerait pas de texte portant sur cette question d’ici la fin de l’année.

Il faut dire qu’il aurait été difficile de s’obstiner davantage malgré l’opposition toujours grandissante à ce projet, sur lequel je me suis moi-même beaucoup exprimée. Sans oublier la grogne de plus en plus nette d’une bonne partie de la droite elle-même, qui sentait le sujet pour le moins politiquement sensible.

Ce n’est pas la seule raison cependant pour laquelle la Justice et ses réformes, celle qu’on aurait voulu nous imposer et celles qu’on devrait au contraire mettre en place, ont été ces derniers jours sur le devant de la scène. La question des juridictions d’exception, tout aussi problématique, est elle aussi largement présente dans la presse, suite à la décision rendue dans le procès Pasqua par la Cour de Justice de la République devant laquelle il comparaissait. Une Cour de Justice fondée en 1993, et dont le fonctionnement et la nature même posent de sérieux problèmes.

Comment justifier que les Ministres, parce qu’ils sont Ministres, soient jugés différemment de l’ensemble des justiciables dans des affaires qui relèvent manifestement de la délinquance ordinaire ?

Comment expliquer que, sur les 15 membres que comptent la Cour, 12 soient des parlementaires en exercice ? Il y a là un mélange des genres dangereux, et pour tout peu admissible. Soit ce qu’on reproche au Ministre concerné est fondamentalement politique, et alors un procès pénal n’a pas lieu d’être. Soit ce qu’on lui reproche est d’ordre pénal, et alors c’est la procédure pénale habituelle qui en toute logique devrait être appliquée. Même en admettant que la limite peut parfois être difficile à tracer, cela ne me semble guère le cas s’agissant de soupçons de corruption ou de prise illégale d’intérêt. On pourrait dire qu’il s’agit d’une faute “détachable de la fonction”. Quand un fonctionnaire renverse volontairement quelqu’un avec sa voiture de fonction, il ne le fait pas à cause de son métier. Et sa voiture ne constitue que le moyen de l’acte. C’est exactement la même chose avec un Ministre qui s’enrichirait indument. Il ne le fait pas à cause de sa fonction ministérielle, son appartenance au gouvernement ne lui en donnant que les moyens.

En outre, il ne faut pas oublier que son caractère hybride n’est pas la seule « exception » qui définisse la Cour de Justice de la République. Ses décisions ne sont ainsi pas susceptibles d’appel. Et surtout il est impossible de se constituer partie civile devant elle.

La lecture de la décision de la Cour dans le cas Pasqua illustre bien toutes ces difficultés. D’un côté, les juges reconnaissent la gravité des faits reprochés à l’ancien Ministre. De l’autre, ils l’acquittent, y compris dans une affaire où sa responsabilité a été engagée devant deux juridictions pénales ordinaires distinctes (il est vrai qu’il s’est pourvu en Cassation), ou omet de le déclarer inéligible. Une telle clémence a de quoi surprendre.

La justice, l’égalité de tous devant la loi, la confiance dans les élus (et donc la transparence qui va avec) sont des piliers de toute démocratie, surtout en période de crise. Lorsque l’un ou l’autre de ces piliers est altéré, c’est le système dans son ensemble qui en est affaibli.

Comme le dit fort justement Robert Badinter, et une telle institution étant loin de les servir de manière satisfaisante, la Cour de Justice de la République, cette juridiction bancale, doit donc être supprimée, de même que toutes les formes de juridictions d’exception. La France s’alignerait ainsi sur l’ensemble des grandes démocraties, dont aucune n’a de procédures spécifiques pour juger des délits de droit commun, même financiers, éventuellement commis par les responsables gouvernementaux. Ce serait à coup sûr une très bonne nouvelle, équivalente au renoncement de l’UMP à exécuter le Juge d’Instruction, trop indépendant à ses yeux.

Par Cozett pour “In-venterre

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