Cette demande de démission n'a pas manqué de faire réagir l'UMP. Xavier Bertrand l'a jugé «honteuse» et «déplacée», dénonçant des «attaques personnelles».
«Je vois dans les déclarations de Benoît Hamon une agitation et une manoeuvre purement politiciennes car jamais par exemple il n'a demandé la démission de Ségolène Royal quand celle-ci a été
condamnée par des décisions que la Cour de cassation avait rendues définitives», a-t-il ajouté. En avril 2009, la Cour de cassation avait confirmé la condamnation de Ségolène Royal pour ne pas avoir rémunéré deux ex-attachées parlementaires, une affaire remontant à 1997.
Condamné par le tribunal correctionnel de Paris pour "injure à caractère racial", le ministre de l'intérieur peut-il rester en poste ? De l'avis des
associations antiracistes, la réponse est claire : "Je pense que Brice Hortefeux doit démissionner. Comment peut-il poursuivre son action à la tête du
ministère de l'intérieur après ce jugement ?", questionne l'avocat du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), interrogé par Le Post. Il ajoute qu'"en tant que président de la République, Nicolas Sarkozy doit réagir". (Voir le jugement sur le blog Chroniques judicaires)
Le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, estime lui aussi que le ministre de l'intérieur devrait avoir la "dignité" de démissionner. Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS), de son côté, a
lancé une opération visant à envoyer le message "Un ministre, c'est pas raciste. Hortefeux démission" sur le fax du ministère de l'intérieur.
Si Brice Hortefeux a annoncé qu'il ferait appel de ce jugement, il n'en reste pas moins que c'est la première fois en France qu'un ministre en exercice est condamné pour un tel délit. Ce
qui ne peut aller sans poser la question de son maintien en poste.
Le président du MRAP, Mouloud Aounit, a annoncé que son mouvement allait également faire appel du jugement, à la fois pour obtenir que "la condamnation soit confirmée" et "la sanction
rehaussée car le montant pécunaire n'est pas à la hauteur de la gravité des faits", selon lui.
LA JURISPRUDENCE BALLADUR N'A PLUS COURS
Jusqu'en 2002, en effet, régnait la "jurisprudence Balladur" : tout ministre impliqué dans une affaire judiciaire se doit de quitter son poste. Une pratique inaugurée par Bernard Tapie en 1992, et suivie par quatre autres ministres : Alain Carignon, Gérard Longuet, Michel Roussin et Dominique Strauss-Kahn. Tous quatre avaient quitté leurs fonctions le temps de se
mettre au clair avec la justice. Sur les quatre, un seul, Alain Carignon, a d'ailleurs été condamné.
Depuis, premiers ministres comme chefs d'Etats français ont tendance à moins exiger de leurs ministres. Le meilleur exemple récent est celui d'André Santini, qui était impliqué dans plusieurs affaires
judiciaires au moment de sa nomination.
Au point que l'Elysée a édicté une règle non écrite, confiée à plusieurs journalistes en 2008 : "Si un ministre
devait être envoyé en correctionnelle, il devrait quitter le gouvernement. S'il était relaxé, il reviendrait." Règle aussitôt oubliée, sans quoi Brice Hortefeux aurait quitté son poste
dès son procès à la fin de l'année 2009.
QUAND HORTEFEUX JUGEAIT "INTOLÉRABLES" CE TYPE DE PROPOS
L'Elysée n'est pas seul à avoir pris une position ferme sur la question. Le 14 août 2009, un ministre expliquait : "Je ne tolèrerai jamais que des propos racistes ou discriminants soient tenus dans notre pays, d'autant plus par un représentant de
l'Etat, quel qu'il soit. Ces comportements sont indignes des valeurs de notre République." Il s'agissait de... Brice Hortefeux. Qui avait suspendu le préfet Paul Girot de Langlade après qu'il a tenu des propos racistes à l'égard d'une fonctionnaire de
police.
Interrogé par Le Post, l'ancien préfet, suspendu après sa condamnation, ironise aujourd'hui : "750 euros [le
montant de l'amende dont pourrait écoper Brice Hortefeux] c'est bien léger. J'ai eu droit à 2 000 euros et une inscription au casier judiciaire pour incitation à la haine raciale pour
des propos que je n'ai même pas tenus."
A l'UMP, l'embarras règne. Dominique Paillé, porte-parole du parti, dit sur France-Info "ne pas comprendre" la condamnation et espère que la décision d'appel sera différente,
tout en ajoutant qu'il n'a "pas pour habitude de commenter des décisions de justice". Le député UMP du Nord, Christian Vanneste, a estimé que la condamnation de
Brice Hortefeux "souligne à quel point la liberté d'expression est menacée dans notre pays". L'élu du Nord a lui-même été poursuivi en justice pour ses propos sur l'homosexualité
avant d'être relaxé. Le premier ministre, François
Fillon, a quant à lui"tenu" vendredi "à réaffirmer son soutien", "son amitié" et "sa confiance" au
ministre de l'intérieur, dans un communiqué diffusé par ses services.
Brice Hortefeux, lui, fait savoir par son avocat qu'il compte bien aller jusqu'en Cassation s'il le faut pour obtenir un jugement différent.