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Blog de la section PS Anzin

Fabius : "Hollande porte les vraies valeurs de la République"

12 Février 2012 , Rédigé par José Pressoir Publié dans #Présidentielle 2012

Laurent Fabius, à Ramallah, en Palestine, le 2 février.

Laurent Fabius, à Ramallah, en Palestine, le 2 février.AFP/ABBAS MOMANI

Laurent Fabius, ancien premier ministre socialiste, est chargé de réfléchir aux mesures à mettre en place pendant la première année du quinquennat si le PS remporte les élections présidentielle et législatives.

François Hollande se situe à un niveau très élevé dans les sondages. Peut-il encore perdre l'élection présidentielle ?

Ce niveau résulte à la fois d'un puissant désir de changement – la France veut tourner la page Sarkozy –, de l'excellente entrée en campagne de François Hollande et de l'unité du Parti socialiste animé par Martine Aubry. Pour autant, il faut rester prudent. Il reste près de trois mois avant l'élection. L'imprévu peut se produire à tout moment, il faut éviter les erreurs.

Redoutez-vous l'entrée en campagne de M. Sarkozy ?

Vous vous souvenez des frères Jacques, qui à la fin de leur carrière faisaient leurs adieux tous les mois ? M. Sarkozy, lui, présente périodiquement depuis plusieurs semaines sa vraie fausse déclaration de candidature. Ce qui, au passage, lui permet de squatter la télévision hors contingent de temps de parole et de multiplier les déplacements aux frais du contribuable.

Sur quel terrain l'attendez-vous ?

Avec son bilan rare – un million de chômeurs en plus, 600 milliards supplémentaires d'endettement, un déficit commercial sans précédent et un quinquennat d'injustices –, le président sortant est pris en tenailles. Ou bien il propose des idées nouvelles – autres que l'augmentation calamiteuse de la TVA et la démolition du contrat de travail –, il devra alors expliquer pourquoi il ne les a pas appliquées avant. Ou bien il persiste, et toute personne raisonnable lui demandera pourquoi les résultats futurs pourraient être meilleurs que passés.

Que pensez-vous de la méthode référendaire à laquelle le chef de l'Etat entend recourir ?

Chaque Français va avoir prochainement l'occasion de s'exprimer : cela s'appelle l'élection présidentielle.

Qu'est-ce que les annonces du président de la République, en particulier sur le chômage et l'immigration, préfigurent de sa campagne à venir ?

Elles confirment qu'il veut masquer l'étendue de ses échecs par l'édification de clivages artificiels. Mais, au-delà des slogans et des phrases qui claquent, c'est très court et très à droite. On ne prépare pas l'avenir d'un grand pays en ciblant les immigrés et en stigmatisant les chômeurs. Au point d'aboutir à ce paradoxe saisissant : c'est le président sortant qui divise et le candidat entrant qui rassemble.

Comment contrer M. Sarkozy ?

En répondant, nous, aux interrogations réelles des Français. M. Sarkozy sait que sur ce terrain-là il sera battu, il cherche donc à déplacer le débat vers ce qu'il appelle "les valeurs" et qui sont en réalité des clivages qu'il suscite afin de rameuter l'extrême droite.

Le matin en se levant, peu de Français s'interrogent sur le tribunal compétent pour décider les expulsions d'étrangers. Ils veulent plus simplement des réponses à leurs questions quotidiennes et un horizon pour sortir de la crise. Notre candidat se situe sur ce terrain-là. Il porte les vraies valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité.

François Hollande, après Martine Aubry, vous a demandé de réfléchir à la première année du quinquennat. Comment voyez-vous le calendrier ?

Je travaille avec l'équipe de campagne sur la traduction gouvernementale de la plate-forme présidentielle. Si François Hollande l'emporte, nous serons prêts. Avant juin, l'Assemblée nationale ne se réunissant pas, il y aura néanmoins des décisions importantes à prendre. Par exemple, lors de la réunion du G8 et du sommet de l'OTAN à Chicago fin mai : nous les préparons. En juillet, le nouveau gouvernement devra présenter une loi de finances et une loi de financement de la Sécurité sociale rectificatives : elles se bâtissent.

En octobre, il y aura le budget 2013, mais aussi un nouvel acte de la décentralisation et, après concertation, les textes nécessaires sur l'emploi, l'éducation et les questions sociales ; diverses négociations seront engagées : nous anticipons tout cela. Notre candidat souhaite commencer par les réformes de structure tout en agissant immédiatement sur le plan financier de façon sérieuse et juste, afin de redresser les comptes, de dégager des marges de manœuvre et d'améliorer la croissance. Voilà l'esprit de la "mission première année".

Vous revenez d'une tournée au Proche-Orient. Quelles pourraient être les grandes lignes de la politique étrangère de la gauche au pouvoir ?

Nous portons à la fois une ambition mondiale et une singularité, une certaine idée de la France, de l'Europe, du développement multilatéral et de la sécurité. Notre ambition mondiale, ce sont nos principes, notre langue, notre puissance économique, scientifique, culturelle, notre rayonnement, ces atouts que nous voulons amplifier et faire partager.

Notre singularité, c'est de n'être à la remorque de personne : nous avons des alliés mais nous ne sommes pas alignés. Nous voulons une Europe des projets, une Union réorientée économiquement, socialement, écologiquement. Nous sommes un pays riche malgré nos difficultés, nous devons nous battre pour le développement des pays pauvres, pour une vraie réciprocité commerciale qui protège nos emplois et nos savoir-faire, pour la défense concrète des libertés.

Nous entendons refaire de la France un pays ouvert aux étudiants, aux chercheurs, aux artistes et aux créateurs du monde entier. Nous croyons à une diplomatie nationale active, mais nous plaidons pour une ONU plus efficace au service de la paix et pour la création d'une Organisation mondiale de l'environnement.

Cet universalisme et cette singularité ont parfois été oubliés ces dernières années, à cause du tropisme atlantiste de M.Sarkozy et de certaines erreurs : était-il pertinent d'accueillir en grande pompe à Paris M. Kadhafi et M. Bachar Al-Assad, de passer envers la Chine de la virulence à la platitude, de découvrir si tardivement qu'il existait une société civile en Tunisie ? C'est bien de faire preuve d'énergie et nous avons approuvé plusieurs décisions présidentielles, mais une politique étrangère ne peut pas être une succession de "coups" ou de "deals". Elle ne se conduit pas à la manière d'un avocat d'affaires, qui, selon les dossiers, changerait de client ou d'adversaire.

Il y a un poste auquel on songe pour vous, c'est le Quai d'Orsay

Je me suis fixé une règle : concentrer mon énergie sur ce qu'il faut faire pour gagner. Je m'y tiens.

Vous avez été pendant des années l'un des meilleurs adversaires de François Hollande au sein du PS. Quel est, aujourd'hui, l'état de vos relations ?

Excellent. François Hollande et moi avons traversé des périodes diverses. Longtemps nous avons travaillé ensemble, puis nous nous sommes opposés sur le traité constitutionnel européen. Les dérives et les lacunes européennes que je redoutais, chacun désormais les constate : cette phase est derrière nous. Il a remporté brillamment la primaire et porte une grande responsabilité pour faire gagner la gauche et changer la France. Il le fait avec talent. Et moi, j'ai choisi de l'aider.

Propos recueillis par David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder

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