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Blog de la section PS Anzin

Fin de vie : les demandes d'euthanasie restent rares

4 Décembre 2012 , Rédigé par José Pressoir Publié dans #Santé

Fin de vie : les demandes d'euthanasie restent rares

LE MONDE | 04.12.2012

 

 

Seuls 17% des décès surviennent soudainement. Seuls 17% des décès surviennent soudainement. | Infographie Le Monde

 

Contrairement à ses voisins européens, la France n'avait jamais exploré les décisions prises par le corps médical face aux patients en fin de vie. L'Institut national d'études démographiques (INED) a publié les premières données générales sur la question, lundi 3 décembre. Un tableau très instructif de la réalité des pratiques, dont il ressort que près de la moitié des décès a été précédée d'une décision médicale ayant pu hâter la mort du patient. Dans 3,1 % des cas, une décision a même été prise dans l'intention de la précipiter, ce que n'autorise pas la loi.

Les rares travaux publiés jusqu'ici sur les conditions de la fin de vie en France s'étaient concentrés sur l'hôpital, et particulièrement sur la réanimation. Jamais l'ensemble des pratiques, prenant aussi en compte les maisons de retraite et la prise en charge à domicile, n'avait été exploré. Les chercheurs ont analysé un échantillon de 14 999 décès de personnes de plus de 18ans, représentatif des 47 872 survenus en décembre2009. Ils ont demandé aux généralistes, réanimateurs, urgentistes ou encore cancérologues ayant rempli les certificats de ces décès de revenir (anonymement) sur leurs circonstances. 5 217 questionnaires ont été reçus en retour.

Sur l'ensemble de ces décès, dans près d'un cas sur deux (47,7 %), des décisions médicales ont été prises avec pour conséquence éventuelle d'abréger la vie. La plupart des options prises sont conformes à la loi Leonetti de 2005, qui permet de soulager des souffrances par l'administration d'un traitement, au risque de réduire la vie.

Les médecins ont eu recours à l'abstention d'un traitement qui visait à prolonger la vie (14,6 % des cas), à l'arrêt d'un tel traitement (4,2 %), et plus souvent encore à l'intensification d'un traitement de la douleur en utilisant des opioïdes ou des benzodiazépines (28,1 %). Mais ils ont aussi, dans près de 1 % des cas (0,8 %), procédé à l'administration de médicaments pour mettre délibérément fin à la vie. Une pratique certes rare, mais contraire à la loi. Il s'agit souvent de sédation en cas de détresse, pour éviter des asphyxies ou des hémorragies spectaculaires.

Plus intéressant encore, c'est l'intention des médecins qui a été interrogée. Peu courants, mais bien réels (3,1 %) sont les actes visant à mettre délibérément fin à la vie du patient, au moment par exemple de l'intensification du traitement pour soulager la douleur. Selon l'étude, 2,5 % l'ont été sans que le patient en ait fait la demande. Certes, parmi ces cas, il y a beaucoup de personnes inconscientes, mais pas seulement. "Cela doit nous inquiéter, même si ce résultat n'est pas pire que dans les autres pays", estime le professeur Régis Aubry, spécialiste des soins palliatifs, qui a participé en tant que chercheur à l'enquête et préside l'Observatoire national de la fin de vie.

LE SOUHAIT D'ACCÉLÉRER LEUR MORT EXPRIMÉ PAR 16 % DES PATIENTS

Les pratiques d'euthanasie, définies comme "le fait pour un tiers de mettre fin à la vie d'une personne à sa demande" sont très exceptionnelles (0,6 % des décès), dont 0,2 % sont pratiquées en administrant délibérément une substance pour mettre fin à la vie (11 décès sur 4723). Dans ces derniers cas, moins de 4 sont définies par le médecin comme une euthanasie, les autres étant considérées comme des sédations pour détresse terminale.

Par ailleurs, selon les médecins enquêtés, le souhait d'accélérer leur mort a été exprimé par 16 % des patients à un moment ou un autre de la prise en charge. Les demandes d'euthanasie explicites, elles, sont plus rares (1,8 % des décès), mais existent bien. Ce qui équivaut, si on rapporte ce taux aux 500 000 décès annuels, à 9 000 demandes par an.

L'extrapolation est tout aussi intéressante sur d'autres éléments de l'enquête, estime le Pr Aubry, qui avance ainsi que 17 000 décisions médicales seraient prises chaque année dans l'intention de donner la mort, dont 14 000 décès provoqués sans le consentement du patient. 3 000 patients bénéficieraient aussi d'une décision médicale entraînant consciemment la mort à leur demande, dont 1000 par administration d'une substance létale.

 

Décisions médicales en fin de vie selon les causes de décès.Décisions médicales en fin de vie selon les causes de décès. | Infographie Le Monde

 

L'étude montre d'autres limites de l'application de la législation actuelle. Ainsi, environ 10% des arrêts de traitement, intensifications de la douleur et administrations de substances létales n'ont pas été discutés avec le patient, bien que celui-ci en ait été capable. "Ce qui n'est pas conforme à la loi Leonetti", rappellent les auteurs.

La collégialité des décisions de fin de vie fait parfois défaut: elles font l'objet d'une discussion au sein de l'équipe médicale dans 63 % des cas, et/ou dans 44 % des cas, avec un autre médecin. Il faut dire que cette règle est plus facilement applicable à l'hôpital que pour les médecins de ville se rendant à domicile. En outre, 8 % des médecins déclarent n'avoir discuté avec aucune personne de l'entourage médical ou familial.

Enfin, les directives anticipées, prévues par la loi Leonetti et qui permettent à chaque Français de préciser ses volontés pour sa fin de vie, n'avaient été rédigées que par 2,5 % des patients. En revanche, quand elles existaient, elles ont été à 72 % un "élément important" de la décision médicale.

L'étude de l'INED, qui était attendue depuis plus d'un an, a été publiée, lundi, dans la revue scientifique BMC Palliative Care. Il devenait urgent de clarifier les conditions de la fin de vie en France: le 18 décembre seront connues les recommandations de la mission confiée par François Hollande au professeur Didier Sicard sur la fin de vie – lors de la campagne, le programme de M. Hollande comprenait l'aide active à mourir dans certaines conditions. "Le vif débat ne pouvait guère jusque-là s'appuyer sur des données factuelles", a rappelé la directrice de l'INED, Chantal Cases. C'est désormais possible.

Laetitia Clavreul

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