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Blog de la section PS Anzin

L'insécurité, l'échec de Sarkozy

24 Février 2010 , Rédigé par José Pressoir Publié dans #Information

L'insécurité, l'échec de Sarkozy

Par Pascal Ceaux, Eric Pelletier, Jean-Marie Pontaut, publié le 24/02/2010 

     
    Le président en visite au poste de police de Gagny (Seine-Saint-Denis) en mars 2009.

    REUTERS/Philippe Wojazer

    Le président en visite au poste de police de Gagny (Seine-Saint-Denis) en mars 2009.


    A l'Intérieur puis à l'Elysée, le président a fait de ce dossier un étalon de sa politique. Or, ni les efforts déployés ni certains succès ne sont parvenus à enrayer les tendances lourdes de la violence. Du discours aux résultatats, analyse d'un bilan qui interpelle aussi la gauche.

    En cette fin du mois d'août 2009, Nicolas Sarkozy ne décolère pas. La faute aux mauvais chiffres de la délinquance, à des statistiques revêches. Le président a donc convoqué à l'Elysée le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, et ses principaux collaborateurs. Objectif: organiser la riposte à ces résultats insuffisants. Dans le huis clos du bureau présidentiel, le chef de l'Etat ne ménage pas son ami de presque trente ans. Avec lui, il peut s'épargner les précautions oratoires réservées à Michèle Alliot-Marie, le prédécesseur de "Brice". Un sursaut est exigé, et au plus vite. Stoïque, Hortefeux encaisse.

    Violences scolaires

    Ce qu'il a dit: "Ce qui s'est passé à Gagny doit nous servir de leçon. [...] Les établissements scolaires doivent être sanctuarisés." (18 mars 2009, en visite en Seine-Saint-Denis)

    Ce qu'il a fait:Une semaine après l'intrusion d'une vingtaine de jeunes encagoulés au lycée professionnel Jean-Baptiste-Clément, Nicolas Sarkozy frappe fort. Du commissariat local, entouré de Xavier Darcos, alors ministre de l'Education nationale, et de Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, le président présente son
    plan de protection scolaire et de lutte contre les bandes. "L'impunité ne sera jamais la politique du gouvernement. [...]. On n'est pas décidés à accepter qu'il y ait un autre événement de cette nature", déclare-t-il.

    Près d'un an après, les mots ont été suivis d'actes. Mais pas encore de résultats. Les outils sont là: les équipes mobiles de sécurité (EMS) doivent être installées partout d'ici au 30 mars; les diagnostics de sécurité ont été établis dans les 184 établissements les plus exposés; les policiers et gendarmes référents ont été relancés; les proviseurs sont formés à la gestion de crise. Il n'empêche: l'actualité des dernières semaines en région parisienne, entre le jeune Hakim, poignardé au Kremlin-Bicêtre, et l'élève attaqué au cutter à Thiais, donne à ces mesures un aspect bien dérisoire. Deux chantiers majeurs doivent surtout être engagés: la récolte de données statistiques fiables, afin d'évaluer la violence, et l'éducation à la citoyenneté des élèves les plus difficiles. Un travail de longue haleine, pas vraiment en accord avec le temps du politique.

    Laurence Debril

    Le président le fait comprendre à plusieurs interlocuteurs: depuis son départ de la Place Beauvau, en 2007, ses successeurs dilapident l'"héritage". Son héritage. Ses deux passages en cinq ans à l'Intérieur (2002-2004, 2005-2007) l'ont marqué. Il a aimé la maison Police, il y a affiné sa stature présidentielle en se façonnant, de déclarations offensives en mesures ciblées, une image de champion de la sécurité. N'a-t-il pas fait fléchir la "courbe de la délinquance générale" de plus de 14 points depuis 2002? Et voilà que cet édifice -ce travail d'une vie ministérielle- lui semble soudain menacé. Depuis le début de 2009, la tendance repart à la hausse, tirée notamment par les cambriolages de résidences principales.

    Ce qui s'est passé à Gagny doit nous servir de leçon. (...) Les établissements scolaires doivent être sanctuarisés.


    Le 2 septembre, le président s'invite donc Place Beauvau, à la réunion des directeurs départementaux de sécurité publique et des commandants de groupement de gendarmerie. Brice Hortefeux n'a été prévenu que la veille de cette visite. La démarche chaloupée, l'oeil des mauvais jours, Nicolas Sarkozy va droit au but. "Ceux qui sont fatigués, au revoir!", lâche-t-il devant un public médusé. Plus diplomatique, son ministre exige de ses troupes un sérieux "coup de collier". Magie de la statistique policière? Conséquence des circulaires qui pleuvent sur les préfets comme les pluies d'automne sur les jardins de l'Elysée? Les quatre derniers mois vont sauver, à eux seuls, une année 2009 bien mal engagée. Au final, ils permettront d'afficher in extremis une "septième année de baisse consécutive" de la délinquance depuis le retour de la droite aux affaires.

    Incendies de voitures

    Il a dit: "Il faut mettre fin à la détestable habitude de brûler des voitures à Strasbourg. Maintenant, il faut que ça cesse." 24 octobre 2002, visite en Alsace).

    Il a fait: Cette déclaration vient à la suite d'émeutes (44 véhicules incendiées, 3 pompiers blessés) dans la capitale alsacienne. Le ministre de l'Intérieur, qui promet le remplacement des véhicules et l'indemnisation des propriétaires, annonce des renforts, afin "d'aller chercher les délinquants où ils se trouvent". "Il faut qu'on leur mène la guerre", ajoute-t-il. Huit ans plus tard, ce type de violence perdure. Surtout à Strasbourg,
    lors de la nuit du Nouvel An: en 2009, une soixantaine de voitures ont été brûlées, pour 70 en 2008.

    Pascal Ceaux

    Après avoir stigmatisé l'incurie des socialistes en 2002, Nicolas Sarkozy s'en prend, cette fois, à l'apathie supposée des siens. Mais celui qui a théorisé le programme de l'UMP en matière de sécurité ne peut s'exonérer de ses propres échecs. Son bilan ne saurait se résumer à une courbe en apparence flatteuse, mais en trompe-l'oeil, de la délinquance générale... et à un art consommé du verbe. Sarkozy, le ministre, Sarkozy le candidat, ont su faire de la sécurité un thème porteur, en donnant l'illusion d'avoir ramené l'ordre.

    Depuis le début de 2010, l'actualité sonne comme un douloureux rappel. Des agressions en milieu scolaire attisent le ras-le-bol des enseignants et trahissent une forme d'impuissance de l'Etat. Le meurtre d'une jeune mère, Tania, tuée par son ex-compagnon, le 16 février, en région parisienne ajoute au malaise. La victime s'était plainte des menaces de mort de cet homme jugé dangereux. Mais ni la police ni l'administration n'ont su l'aider. Les tendances lourdes sont tout aussi embarrassantes pour le Président: hausse des agressions contre les personnes, progression de la délinquance des mineurs, persistance du sentiment d'insécurité.

    Comment expliquer ces difficultés? Pendant la période 2002-2010, Nicolas Sarkozy n'a pourtant pas lésiné sur les moyens. Intégration de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur, renouvellement des équipements, nouvelle organisation à Paris et en banlieue, boom de la police technique et scientifique... Ce changement n'a pas encore porté ses fruits. Parallèlement, la majorité a accru les moyens répressifs. A l'instigation du ministre puis du président, une vingtaine de lois sur la sécurité ont été votées depuis 2002, au risque d'empiler des textes pas toujours applicables. Et de se voir reprocher des dispositions de circonstance, sur le
    thème "un fait divers, une loi". Sans résultats à court terme, là non plus.

    Le pays est confronté en effet à une hausse irrépressible des "atteintes à l'intégrité physique" (vols avec violence, coups et blessures, menaces et chantages...). En douze mois, de février 2009 à janvier 2010, elles ont progressé de 2,6%. Ce phénomène, très français et très persistant, était certes perceptible depuis 1996, donc bien avant l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère, mais celui-ci n'a pas réussi à le juguler, malgré ses engagements répétés. En revanche, le nombre d'"atteintes aux biens" (vols, dégradations...) n'a jamais été aussi faible, même si cette performance positive ne relève pas seulement de l'action de la police : la meilleure sécurisation des véhicules et des domiciles contre les risques d'effraction ou de cambriolage y est pour beaucoup.

    Hooliganisme

    Il a dit: "Nous voulons débarrasser nos stades des voyous, qui n'ont rien à y faire. " (19 octobre 2005, à l'Assemblée nationale).

    Il a fait: Cette déclaration d'intention de Nicolas Sarkozy a été précédée, et suivie, par beaucoup d'autres propos concernant la violence dans le football. Si des mesures ont été prises (multiplication des interdictions de stade, création d'une Division nationale de lutte contre le hooliganisme...), l'échec est patent et a donné lieu, récemment, à une passe d'armes entre le ministère de la Justice et celui de l'Intérieur. Ces derniers mois, de graves incidents ont impliqué des Niçois, des Stéphanois, des Marseillais, des Parisiens. Le président de la République, supporter du PSG, n'a jamais eu raison des hooligans du club de la capitale, dont les meneurs sont pourtant connus de la police.

    Philippe Broussard

    La hausse des agressions tranche avec la situation à l'étranger. Aux Etats-Unis, ce type de délinquance a baissé de 18,2% depuis 1996. En Allemagne, les agressions ont diminué pour la première fois en 2008, interrompant la hausse continue amorcée en 1996. En Angleterre et au pays de Galles, où la tendance est encore plus nette (-5,8% l'année passée), le taux d'agressions rapporté à la population reste cependant près de trois fois supérieur à celui de la France. "Nous assistons à une progression constante des violences physiques non crapuleuses, celles qui n'ont pas pour objet le vol, constate Christophe Soullez, de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Les services de police et de gendarmerie en comptabilisaient près de 240 000 l'année dernière. Une majorité d'entre elles sont commises dans la sphère familiale au cours d'incidents de la vie quotidienne, comme les différends entre les automobilistes et entre voisins."

    Dans ce contexte défavorable, Brice Hortefeux ne pourra pas compter sur des renforts humains. Le ministre de l'Intérieur n'a pas été appuyé par son ami président: comme dans les autres secteurs de la fonction publique, la Révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a pour but la diminution des dépenses de l'Etat, impose des restrictions d'effectifs.

    Multirécidive

    Il a dit: "La société doit se défendre, et la multirécidive doit être punie plus sévèrement que la simple récidive." 14 juin 2005 à l'Assemblée nationale.

    Ce qu'il a fait: Ce jour-là, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, réagit à l'assassinat de Nelly Crémel, enlevée et tuée en Seine-et-Marne, alors qu'elle faisait son jogging. La loi du 10 août 2007, votée après son accession à la présidence de la République, instaure des peines planchers pour les récidivistes de crimes et délits graves (environ 20 000 condamnations ont été prononcées à ce jour selon la chancellerie). Elle autorise la levée de l'excuse de minorité pour des mineurs de plus de 16 ans et prévoit la suppression de la liberté conditionnelle de détenus qui ne se soumettent pas aux injonctions de soins.

    Eric Pelletier

    La culture du résultat suscite de plus en plus de réserves

    En 2010, police et gendarmerie perdront 2744 postes. La tendance se poursuivra au moins jusqu'en 2012. "Le redéploiement des forces a des limites. Remplacer les policiers par des caméras, comme c'est prévu, n'est pas satisfaisant; on a besoin de créer des liens avec la population", affirme Jean-Pierre Havrin, adjoint au maire de Toulouse (PS) et ancien conseiller de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l'Intérieur.

    Parmi les policiers et les gendarmes, la grogne gagne lentement du terrain. La culture du résultat, un moment compensée par les avantages matériels, suscite de plus en plus de réserves. "L'arrivée de Nicolas Sarkozy avait soulevé un grand espoir. Elle s'est traduite par une mobilisation sans précédent et des résultats. Mais, aujourd'hui, les policiers ne se sentent pas soutenus", confirme Sylvie Feucher, secrétaire générale du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN, majoritaire).

    Sentiment d'insécurité

    Il a dit: "Je le dis sans ambages: je suis fier de ces résultats. Je suis fier que les Français se sentent davantage en sécurité [et] que la peur, dans notre pays, ait reculé." (11 janvier 2007, au ministère de l'Intérieur)

    Il a fait:Difficile d'évaluer un "sentiment", d'autant que les enquêtes dites de "victimation", auprès des ménages n'existaient pas en 2002. Les plus récentes montrent que la fréquence du sentiment d'insécurité a progressé en 2009 (10,6% des personnes interrogées disent y être confrontées), mais sans atteindre le niveau de 2007 (11%). Principaux concernés: les femmes et les jeunes. Les personnes âgées se déclarent moins inquiètes que les autres.

    Eric Pelletier

    L'alerte de 2009 marque également les limites du dogme de l'intervention, préféré à la police de proximité, raillée en son temps par l'ex-ministre de l'Intérieur. Le sociologue Sebastian Roché, spécialiste de ces questions, se montre très critique face aux options prises: "Les solutions conservatrices ont été privilégiées. Le choix s'est porté sur une police d'intervention. Celle-ci recourt à des moyens techniques (drones, hélicoptères, Flash-Ball...). Sur le terrain, les forces mobiles -CRS ou gendarmes- ou les services spécialisés dans l'action rapide sont de plus en plus utilisés. On a fait le choix de la police "qui arrive trop tard". Rappelons que c'est en France qu'ont eu lieu, en 2005, les émeutes urbaines les plus graves d'Europe." La doctrine a cependant évolué à la demande d'élus locaux, parfois issus de l'UMP, avec la création des Unités territoriales de quartier (Uteq). Leur extension est cependant gelée.

    Le type de police et les consignes passées ces dernières années aux fonctionnaires ont un corollaire: l'explosion du nombre de gardes à vue, passé de 337 000 en 2001 à 580 000 en 2009 (+70%). Et encore, ce chiffre ne tient-il pas compte des infractions routières, non comptabilisées dans les statistiques de l'Intérieur. Lorsqu'il officiait Place Beauvau, Nicolas Sarkozy faisait des gardes à vue un indicateur phare de la performance des services. Dans son esprit, plus la police y avait recours, plus elle travaillait. Aujourd'hui, même le Premier ministre, François Fillon, dénonce cette inflation. D'autres voix plus inattendues se font entendre, comme celle de l'ancien ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua. Et le président, d'ordinaire prolixe sur ces sujets, reste silencieux. En public, du moins.

    Hortefeux en première ligne

    Bien calé dans son fauteuil de ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux n'en démord pas. "Il y aura autant d'initiatives qu'il y aura de problèmes, affirme-t-il. La marque du sarkozysme, c'est l'anticipation, la réactivité et la culture du résultat." "Critiquer le nombre de lois est une stupidité, poursuit-il, car la délinquance ne cesse d'évoluer, il faut donc s'adapter."

    Brice Hortefeux, hermétique aux critiques le concernant, défend sans ciller le bilan des huit dernières années. "Lorsque nous sommes arrivés, en 2002, la délinquance avait augmenté de 14% pendant les cinq années du gouvernement de Lionel Jospin. Avec nous, elle a diminué de 14,5%." Les violences aux personnes font exception, en hausse continue depuis 1996. "Mais depuis quatre mois, dit le ministre, nous sommes parvenus à inverser la tendance."

    Fidèle du chef de l'Etat, il revendique un "soutien total" de l'Elysée. Un soutien nécessaire lorsque les temps deviennent difficiles, minés par les violences scolaires et la polémique sur la garde à vue. Le ministre se dit prêt à une réforme de cette pierre angulaire de la procédure à la française. "J'y mets trois conditions: Ne pas faire des policiers et des gendarmes des boucs émissaires; ne pas aboutir à une victoire des avocats et des juges sur les policiers et les gendarmes; enfin, que les modifications retenues ne perturbent pas l'enquête. Ma priorité, c'est la défense des victimes."

    Pascal Ceaux et Jean-Marie Pontaut

    L'Express.fr
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