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Blog de la section PS Anzin

Mélenchon: le « médiacrate » persiste et signe

26 Janvier 2011 , Rédigé par José Pressoir Publié dans #Information

 — iledere @ 6:30

RTXSE26_CompJean Quatremer réagit au flot d’injure qu’il a suscité de la par de Jean-Luc Mélanchon  en ne faisant que son travail de journaliste.

 

Jean-Luc Mélenchon n’aime pas que les journalistes s’intéressent à son travail de député européen. En révélant que l’élu du Front de Gauche avait discrètement refusé de voter une résolution du Parlement européen demandant des sanctions contre la Biélorussie, j’ai suscité, sur son blog, son ire – ce qui se traduit par un flot d’insultes ordurières qui déshonore un personnage qui se prétend républicain –.

J’avais déjà révélé, à son grand déplaisir qu’il avait tout aussi discrètement boycotté, en décembre dernier, la cérémonie de remise du prix Sakharov des droits de l’homme du Parlement européen à un dissident cubain, car il n’a jamais fait mystère de son soutien au régime castriste qui n’est « pas une dictature », comme il l’a affirmé une nouvelle fois récemment. Or, en tant qu’élu, il a des comptes à rendre aux citoyens qui peuvent être critiques, que cela lui plaise ou non.

M. Mélenchon affirme sur son blog que j’ai menti en lui consacrant un billet intitulé : « Jean-Luc Mélenchon opposé aux sanctions contre la dictature (rouge) biélorusse ». Il dénonce une « campagne de diffamation d’un médiacrate (…), le pitoyable Jean Quatremer ayant interrompu sa sieste pour vous accabler d’informations mensongères à mon sujet sur la Biélorussie ». Je n’avais aucune envie de répondre à cette accusation outrée et insultante, le personnage tentant manifestement de m’intimider par sa violence verbale et ses appels à peine dissimulés au lynchage. Mais le buzz de ses amis, qui ne demandent qu’à être convaincu que les journalistes sont des menteurs ultralibéraux qui participent du grand complot mondial contre le candidat à la présidentielle, m’a amené à changer d’avis tout comme la censure dont j’ai été victime sur son blog : mes deux commentaires, tout à fait courtois, expliquant ma position ont été censurés quelques heures après avoir été publiés, ce qui montre à quel point M. Mélenchon tolère la contradiction. Il peut venir sur mon blog, je le publierai, tout comme j’ai publié l’intervention de Martin Schulz, le président du groupe socialiste. Surtout, un billet de Daniel Schneidermann, sur son site « Arrêt sur Image », a achevé de me convaincre qu’il ne fallait pas laisser passer le post de M. Mélenchon : ce critique averti des médias, tout en remettant vertement l’ex-sénateur socialiste en place, estime que j’ai été « un peu vite » dans mon billet, ce qui m’a surpris, car c’est inexact. 

Reprenons donc l’affaire: M. Mélenchon n’a pas voté, jeudi 20 janvier, la résolution du Parlement demandant que des sanctions soient prises contre la dictature biélorusse. Son groupe, la GUE, a, en effet, choisi de s’abstenir. Comme personne n’a demandé de vote nominal, les députés ont voté à main levée. J’ai vérifié son vote non seulement auprès de la GUE, mais aussi auprès d’autres députés, notamment Vert, qui ont confirmé que M. Mélenchon n’avait pas voté ce texte. Il ne me contredit nullement sur ce point qui est pourtant l’unique point de mon article. On se demande dès lors pourquoi il parle de « ragot » : mon information était vérifiée et il la confirme. Il me reproche une nouvelle fois de ne pas l’avoir joint, mais comme je l’ai déjà dit dans mon post, son assistante (il en a plusieurs sans doute occupés à Paris bien que payés par le budget européen) ne rappelant jamais ses interlocuteurs et son bureau étant rarement occupé. Même à la GUE, son groupe politique, on se plaint de cette désinvolture, c’est dire.

M. Mélenchon argue pour sa défense que la GUE, le groupe communiste auquel il appartient, avait déposé sa propre résolution et qu’il n’était pas question qu’il vote une résolution déposée par la droite. C’est un beau mensonge : la résolution soumise au vote était une résolution de compromis signée par TOUS les groupes politiques du Parlement européen, sauf la GUE, justement. M. Mélenchon affirme que « nous voulions voter notre propre texte (…) qui était proposé en concurrence avec celui de la droite. Qu’un groupe politique préfère son texte a celui d’un autre groupe c’est tout de même le minimum, non ? » Justement, non : il s’agit, dans un Parlement élu à la proportionnelle de trouver des compromis, un vilain mot qui donne de l’urticaire au député Mélenchon qui ne veut aucun accord avec les « sociaux-traitres ».

Pourquoi la GUE a-t-elle donc refusé le compromis proposé? « Nous sommes opposés au régime des sanctions financières contre les peuples, d’une façon générale », explique M. Mélenchon qui cite la suspension des aides financières de l’UE et du FMI. Mais, la résolution du Parlement demandait aussi des sanctions ciblées contre les responsables de la répression en Biélorussie (refus de visas, gel des avoirs, etc.) et proposait d’aider l’opposition. Or, dans la proposition de la GUE, il n’est absolument pas question de sanctions contre les seuls dirigeants. Intéressons-nous un instant à cette fameuse résolution de la GUE qui ne se distingue pas seulement du texte de compromis voté par le Parlement sur le volet des sanctions et qui montre une certaine tendresse pour ce régime.

Certes, elle critique la répression qui a suivi l’élection présidentielle truquée de  décembre dernier. Difficile de dire le contraire, car contrairement à Cuba qui fraude et réprime à l’abri des caméras, il y a des observateurs internationaux sur place et la Pologne est particulièrement informée de ce qui s’y passe, environ 4 % de la population étant d’origine polonaise et une partie de son territoire ayant été rattaché à la Biélorussie en 1945. Mais ensuite, on entre dans le vif du sujet. Omettant de rappeler que depuis 2008 toutes les sanctions ciblées ont été levées afin d’essayer de convaincre Loukachenko d’ouvrir son pays, la GUE proclame que (point 9 ) « la politique de l’UE vis-à-vis de la Biélorussie a échoué et a contribué aux récents développements et est d’avis qu’une reprise d’un dialogue politique ouvert et critique avec le gouvernement et le Parlement de Biélorussie serait la meilleure façon de soutenir les réformes démocratiques dans le pays; réaffirme sa position selon laquelle les représentants de Biélorussie ne devraient pas être exclus des structures de coopération telles que le partenariat oriental et l’Assemblée parlementaire EURONEST, mais que ces forums devraient être utilisés pour dialoguer sur toutes les questions litigieuses »… En clair c’est l’Europe qui est aussi responsable du durcissement de la dictature…

La GUE ne s’arrête pas en si bon chemin : au point 3, elle estime que « la Biélorussie a besoin d’un dialogue public national avec toutes les forces politiques démocratiques sur l’avenir du pays et les réformes démocratiques sans ingérence de l’extérieur; demande aux voisins de la Biélorussie, à l’Union européenne et à ses États membres, ainsi qu’à la Russie, de respecter la souveraineté du pays et le droit de son peuple à déterminer son développement ». La GUE « est d’avis que les différents cours politiques de l’UE et de la Russie comme pays d’influence dans le voisinage des pays sont contreproductifs pour l’évolution en Biélorussie; demande à la Haute représentante et vice-présidente de la Commission Catherine Ashton de discuter avec son homologue russe d’une approche coopérative vers le voisinage commun, y compris la Biélorussie ». La GUE affirme aussi le « droit de son peuple (biélorusse) à déterminer son développement ». En clair, il faut laisser en paix Loukachenko et que les Biélorusses règlent leurs problèmes entre eux et surtout que le reste du monde les laisse tranquille. Des condamnations comme celle-là vont faire trembler la dictature biélorusse, on s’en doute.

M. Mélenchon explique aussi dans son post qu’il s’oppose fermement au passage de la résolution de compromis qui « « invite la Commission à soutenir, par tout moyen financier et politique, les efforts déployés par la société civile biélorusse, les médias indépendants (y compris Belsat, Radio européenne pour la Biélorussie, Radio Racyja et d’autres. » En effet « Balsat TV » est une TV …. polonaise ! Et de surcroit financée par le gouvernement polonais.  Nous sommes contre ce type d’ingérence d’un gouvernement contre un autre qui sont des facteurs de tensions internationales évidents et spécialement dans ce cas une incitation à la confrontation, compte tenu du poids de l’histoire dans la zone. » Belle ignorance de la réalité géopolitique de la région. On imagine que Radio Free Europe, financée par les Etats-Unis, qui a tant fait pour déstabiliser l’URSS n’avait pas les faveurs du l’ex-sénateur socialiste.

Bref, la résolution de la GUE est loin, très loin d’être une condamnation sans réserve de la dictature biélorusse. Son but est qu’on laisse en paix, sous prétexte de refuser les sanctions dont souffriraient les peuples, le régime local au nom de l’autodétermination des peuples et de la non-ingérence. Bref, non seulement mes infos ne sont nullement « bidons » (il refuse bien de sanctionner le régime biélorusse), mais M. Mélenchon défend une politique pour le moins compréhensive à l’égard de la Biélorussie.

Pour le reste, M. Mélenchon mériterait que je le poursuive en diffamation lorsqu’il m’accuse d’être un fainéant et de « faire des ménages », une accusation grave que je le mets en demeure de prouver. Je lui répondrais simplement qu’il ferait mieux d’exercer son mandat et d’être présent lors des sessions plénières et en commission des affaires étrangères dont il est le vice-président rarement en exercice.


Jean Quatremer pour « Les Coulisses de Bruxelles UE« 

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