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Blog de la section PS Anzin

Un centre effrayé, des ouvriers câlinés : les dernières manipulations du candidat Sarko

9 Mars 2011 , Rédigé par José Pressoir Publié dans #Politique

Un centre effrayé, des ouvriers câlinés : les dernières manipulations du candidat Sarko  

Quand il a déclenché l'orage, Nicolas Sarkozy feint souvent d'ignorer la pluie. Ce mardi 8 mars, il était en Bretagne pour rencontrer, une nouvelle fois, de « vrais ouvriers ». A Paris, ses proches restaient comme tétanisés par de curieux sondages disqualifiant leur mentor face à Marine Le Pen. Et dans la journée, le gouvernement abandonnait l'une des mesures phares de la tentative sécuritaire du candidat Sarkozy, la déchéance de nationalité pour les auteurs de certains crimes. L'ancien maire de Neuilly veut maîtriser sa majorité minoritaire jusqu'au bout.
Un centre effrayé, des ouvriers câlinés : les dernières manipulations du candidat Sarko
Les sondages pour faire peur
Faut-il y voir une coïncidence ?
La succession de deux sondages plaçant Marine Le Pen en tête des intentions de votes d'un millier de sondés rémunérés par Harris Interactive au premier tour des élections présidentielles si elles lieu aujourd'hui a créé une fausse agitation à l'UMP. Et à l'Assemblée nationale, le gouvernement a reculé sur un point essentiel du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy le 30 juillet dernier : la déchéance de nationalité pour les immigrés récemment naturalisés et convaincus de crimes contre des représentants de l'autorité publique. Mardi matin, lors de sa traditionnelle réunion avec les députés UMP, François Fillon a annoncé aux députés que le gouvernement ne souhaitait plus cet article dans la loi sur l'immigration à l'examen pour un vote final cette semaine. Le Sénat l'avait supprimé, grâce à un soutien des centristes à l'opposition de gauche.

Le candidat Sarkozy ne veut laisser aucun espace au centre.
 
 Il reste sur sa stratégie de premier tour - maximiser les suffrages - que ses postures sécuritaires et anti-immigrés depuis l'été avait mises en péril.
La veille, Jean-Louis Borloo avait menacé de ne pas voter la disposition avec quelques 70 autres députés UMP/Nouveau Centre. Cette fois-ci, il semble vouloir donner des gages aux nombreux centristes (Borloo, Morin, etc) tentés par l'aventure électorale.
Et pour appuyer la démarche, on peut s'interroger sur les réels commanditaires d'un double sondage visant à déstabiliser les aspirations indépendantistes d'un Borloo et le centre en général.
Qu'il est bien tombé, ce sondage affichant Marine Le Pen en tête du premier tour ! On imagine Patrick Buisson, ce conseiller ès sondages, rémunéré par l'Elysée, partisan d'occuper la droite, si satisfait d'inquiéter le centre-droit. Sarkozy, rempart de l'extrême droite...
 On a déjà connu cela...


Le gouvernement Sarkozy s'est donc replié. Ce mardi, Sarkozy aurait failli subir un véritable désaveu : au risque d'afficher que l'UMP sarkozyste n'était plus majoritaire à l'Assemblée, il valait mieux reculer. On pouvait laisser la députée Chantal Brunel, habituellement plus modérée dans ses propos, suggérer de renvoyer les immigrés dans leurs bateaux, dans les couloirs de l'Assemblée...
Pas de panique à l'Élysée ?
Tout semble bien maîtrisé. Depuis quelques jours, une coalition centriste s'agrège pour tacler l'une des mesures sécuritaires du Monarque.
La coïncidence des évènements est troublante.
On découvre que l'institut sondagier fautif, Harris Interactive, était accusé le même jour par Mediapart de rémunérer les Français qu'il interroge : « L'institut Harris Interactive, qui a placé Marine Le Pen en tête du premier tour dans un sondage publié ce week-end, a offert 7.000 euros à son panel de sondés, via une loterie. » relate le site. Harris venait de publier un second sondage, avec DSK remplaçant Aubry comme candidat socialiste, sans que cela n'entame l'avantage lepéniste. Pire, Sarkozy était relégué en troisième place. Le spectre du 21 avril à l'envers est bien là. De quoi inquiéter les « modérés » de la droite, et espérer regonfler la popularité du candidat Sarkozy.

En Bretagne, le candidat Sarkozy faisait mine d'ignorer ses péripéties parisiennes. Il était souriant, serein, gentil, accueillant : « Je fais de la politique depuis trente-cinq ans, j'ai connu tous les états », a-t-il simplement commenté devant l'assemblée générale des maires du Morbihan . « J'ai connu des hauts, j'ai connu des bas, puis j'y suis arrivé. C'est un long chemin, un très long chemin, beaucoup de sang-froid, beaucoup de convictions. »
Beaucoup de convictions ?
 Depuis 2007, Sarkozy paraît telle une girouette sur nombre de sujets. La récente volte-face du jour en est une belle illustration.

« Le rôle du président de la République, c'est de répondre aux questions des Français, leurs vraies préoccupations », a-t-il aussi expliqué, « pas les préoccupations de surface, pas ce qui fait l'actualité de tous les jours, qui disparaît aussi vite qu'il est apparu. » Mais qui s'attarde sur les racines chrétiennes de la France au lieu de parler chômage et précarité ? Qui réclame une nouvelle loi sur la récidive quand la justice réclame des moyens ? Qui fustige la délinquance immigrée quand policiers et gendarmes s'agacent des réductions d'effectifs ?

« Usine, c'est pas un gros mot. »
Un peu plus tôt ce mardi, Sarkozy voulait paraître concentré et attentif. Il s'était fait filmer micro en main, costume bleu marine trop large pour renforcer sa petite carrure, et debout deux têtes au-dessus d'une assistance composée des employés de l'entreprise de PVC FenêtréA qu'il visitait à Beignon.

« Merci de nous recevoir dans cette magnifique usine. Je dois dire que je suis très impressionné par votre savoir-faire, par la qualité des machines, par la propreté de l'usine, par la précision des gestes de chacun d'entre vous. » Curieuse remarque... Une usine, c'est donc habituellement sale...

« Pourquoi toutes les semaines ai-je le plaisir de visiter des usines ? », s'est-il interrogé. Suspense... Parce que vous êtes candidat à votre réélection, cher président ! Évidemment, le vrai candidat eut une autre réponse : « Pour une raison : sur les 11 dernières années, la France a perdu un demi-million d'emplois industriels...  Un demi million... Et je veux arrêter ce phénomène. » Au secours ! C'est le même discours qu'à Saint-Nazaire il y a deux mois !

« Deuxièmement, on parle mal des usines en France... Parce qu'on les connaît pas. Faut pas opposer la nature et les usines. Il y a la forêt de Brocéliande derrière... les usines, c'est un lieu où des femmes et des hommes travaillent pour faire vivre leur famille, avec leur savoir-faire et créer de la croissance. Je souhaite que la France reste, demeure une terre de production. » Et il ajouta : « Ma priorité, c'est d'arrêter le phénomène des délocalisations, de réconcilier les Français avec l'industrie, avec les usines, avec les ouvriers... Usine, c'est pas un gros mot. Ouvrier, c'est noble. »

Attardons nous sur cette argumentation : Sarkozy s'invente des clivages inexistants. Président déchu du travailler plus, le voici qu'il tente de se poser en défenseur de la cause industrielle prétendument attaquée par des ennemis imaginaires. La démarche était ... pitoyable. « Y a pas que les services, y a pas que les bureaux. » Y-aurait-il un complot anti-ouvrier en France ?

« Face à ça, qu'est ce qu'on a fait pour enrayer ce phénomène de désindustrialisation ? » s'interroge-t-il. Évidemment, il ne pouvait publier un nouveau tacle contre 35 heures. Sarkozy se bat contre des fantômes. « Depuis le début des années 2000, la France avait perdu beaucoup de compétitivité. Les 35 heures ont été une catastrophe économique et sociale. Pourquoi ? Parce qu'on a été les seuls à le faire ? Qu'est ce qu'a payé les 35 heures ? C'est les ouvriers.» Sarkozy put ressortir son couplet sur l'inévitable mondialisation, la Chine comme menace, les bas-salaires comme avenir. « Nous vivons dans un monde ouvert où on se retrouve en compétition avec les autres. Si on fait le contraire des autres, on pourra pas s'en sortir. »

Récidiviste fiscal
 
Fatigué, le candidat défendit ensuite la défiscalisation des heures supplémentaires: « Ça permet de gagner des parts de marché pour l'entreprise et pour vous, ça permet d'améliorer le salaire. »

Sarkozy n'a pas lu le dernier rapport de la Cour des Comptes sur la convergence fiscale franco-allemande. 312 pages, malgré quelques graphiques illustratifs, c'est sans doute trop long pour un candidat suractif. Dans son chapitre sur le coût du travail, la Cour rappelait que l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne n'avait pas grand chose à voir avec les durées du travail, qui, de surcroît, sont similaires pour les temps complets (« la durée de travail hebdomadaire moyenne en 2009 est légèrement plus longue en Allemagne qu’en France (respectivement 41,2 heures et 40,9 heures) écrivait-elle). Entre autres facteurs, la Cour soulignait l'ampleur du travail partiel outre-Rhin (26% de l'emploi total !). Un travail partiel justement découragé par cet encouragement aux heures supplémentaires. En France, l'emploi intérimaire s'est effondré dès avril 2008, 4 mois après l'entrée en vigueur de la loi TEPA.

« Ensuite on a créé un système de crédit impôt recherche. » Joli mensonge. La loi TEPA l'a certes renforcé, mais il existait depuis belle lurette. Mais Sarkozy s'autofélicite : « Nous avons maintenant depuis 2007 le système fiscal le plus avantageux pour l'investissement. » Et pour preuve, « nous avons supprimé la taxe professionnelle. » Sarkozy radote. Il se répète. Une fois encore, le candidat n'a pas lu le rapport de la Cour des Comptes. Cette dernière pointait que cette taxe a été remplacée par... une contribution économique territoriale. Il voulait convaincre de sa détermination, comme si la foi devait remplacer les actes et surtout les résultats. « Tout ce que j'ai voulu et que nous faisons, c'est de protéger nos emplois et d'en créer d'autres. » Quelle réussite ! Depuis 2008, crise oblige, quelques 270.000 emplois ont été supprimés dans l'industrie.

La Présidence des Riches expliquée aux ouvriers
L'exercice était délicat. Le candidat devait se justifier devant les récentes attaques contre sa réforme fiscale et la précédente des retraites : « Je voudrais vous dire deux choses, peut être plus difficile à entendre, mais auxquelles je crois beaucoup.»

L'ancien maire de Neuilly-sur-Seine se lança, en quelques phrases, dans une simplissime louange du capitalisme familial, du patron qui « connaît le nom » de ses employés, contre ces « fonds qui n'ont pas de nom, ne connaissent personne, et exigent de la rentabilité. »

« Vous aimez mieux être avec quelqu'un que vous connaissez et qui vous connaît, qui met tout son argent dans l'entreprise, qui aime la Bretagne, ou avec un fonds de pension qui vend la boîte tous les 5 ans, tous les 10 ans ? Quel est le choix ? » La réalité est simple en Sarkofrance. Le français reste approximatif. Le Président des Riches, enfant du « 9-2 » veut faire « populo ». A ses côtés, la patronne de l'entreprise acquiesce lourdement du visage.

« Moi, le choix que je fais, que je veux faire, c'est le choix du capitalisme familial, que je veux opposer au capitalisme financier... Vous comprenez ? Et quel est le problème de la France... C'est qu'il n'y a pas assez d'entrepreneurs familiaux. Or si notre fiscalité fait fuir toute personne qui a de l'argent, qui au lieu de l'investir en France va se réfugier en Belgique, à Monaco, au Luxembourg... » Sarkozy sait de quoi il parle. Avocat d'affaires à l'aube des années 80, il conseillait quelques riches industriels à l'expatriation en Suisse. Là-bas, il y avait l'un de ses plus gros comités de soutiens pour sa campagne de 2007. Les rencontres du Premier Cercle y étaient fameuses.

« Est-ce que ça fait vos affaires ou est-ce que c'est vous qui êtes pénalisés ? », continua-t-il. On attendait la suite, elle ne tarda pas : « ... Et c'est pourquoi j'ai voulu la réforme de la fiscalité du patrimoine. » Nous y voilà ! Le Président des riches est gonflé. L'ISF, qu'il assouplit et allège, exonère déjà les biens professionnels et même les actions détenues par les dirigeants de leur propre entreprise. Les arguments évoluent. Sarkozy ne défend plus le bouclier fiscal que-tout-le-monde-a mais attaque l'ISF-qui-n'existe-qu'en-France... Notez la différence ! « Nous sommes le seul pays au monde à avoir gardé l'ISF... C'est-à-dire que si cette entreprise c'était un fonds de pension, le propriétaire, il pourrait habiter ailleurs, il ne paierait pas d'ISF. »

Et les retraites ?
Dernier sujet, abordé avec le sourire et une boutade qui déclenche quelques rires : les retraites. « J'estime que c'est mon devoir de vous en parler. » On se souvient d'un mercredi 16 juin 2010. Sarkozy avait laissé Eric Woerth bien seul pour présenter puis défendre la réforme des retraites. Durant tout l'été, et jusqu'à l'adoption de la réforme le 27 octobre, le Monarque s'était planqué.

Ce mardi, 6 mois plus tard, à froid, il veut bien jouer au courageux. Il tient seul le micro. Personne ne ne le contredira devant les caméras d'Elysée.fr. Il peut évoquer cette réforme « qui a créé de la mauvaise humeur, des protestations. C'est normal. Au fond, ça revient pour vous à travailler deux ans de plus sans avoir une retraite qui s'améliore. » Quel maître ! Il enfonça le clou, en omettant, soigneusement, d'expliquer les alternatives. « Mais pourquoi l'ai-je fait ? » Sarkozy s'auto-répondit : « Parce que je me suis rendu compte, il y a quinze millions de retraités en France... » Ça ne vous rappelle rien ?

« 700.000 retraités de plus chaque année... Tenez vous bien... Pour un million et demi de retraités, les retraites étaient pas payées. » C'est faux. Elles étaient financées par la dette, une situation certes intenable. Mais pourquoi ne pas évoquer les autres paramètres du problème : la répartition des prélèvements, la pénibilité, la dégradation des comptes publics par la crise ? Il insista : « Vous m'entendez... Avant la réforme, pour 1,5 million de Français, les retraites n'étaient pas payées. La sécurité sociale empruntait à la banque. » Mais après la réforme, le problème reste entier dès ... 2013. Alors ? « Et bien, je me suis dit... il vaut mieux la mauvaise humeur passagère des Français parce que je leur demande de travailler plus pour sauver leur retraite, que la colère des Français le jour où partant à la retraite, ils se rendent compte qu'il n'y a pas l'argent pour payer les retraites... » Quel courage !
Notez bien l'argument. Sarkozy le répète.
Il n'a plus que cela comme marqueur de sa présidence : « En 2018, j'aurai la satisfaction de voir qu'il y avait l'argent pour payer les retraites. » C'est faux, et même des parlementaires UMP s'en sont inquiétés à l'automne dernier.


On oublierait presque les affaires Woerth, Alliot-Marie, Fillon, Joyandet ou Blanc; l'allègement de l'ISF en contre-partie de la suppression du bouclier fiscal ; les modestes efforts réclamés aux plus fortunés pour cette réforme comme pour d'autres ; les franchises médicales ou le surendettement qu'est le Grand Emprunt.


Ce mardi, le candidat Sarkozy semblait tout content.
A Paris, il a déstabilisé le centre.
A Beignon, il jouait au courageux, devant une assistance privée de micro.
 
Rédigé par Juan Sarkofrance le Mercredi 9 Mars 2011
Sarkofrance pour Marianne
 
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