PARADIS FISCAUX - L'évasion fiscale est décidément sous les feux de la rampe en ce début de printemps, avec les aveux de l'affaire Cahuzac et l'opération "Offshore leaks" qui a révélé l'existence de 120.000 comptes offshore.

Vendredi 5 avril, Le Monde a annoncé qu'il fera de nouvelles révélations, concernant les banques françaises cette fois, qui semblent loin d'être exemplaires en la matière.

Le HuffPost s'est penché sur le cas de la BNP Paribas et a déniché un document utilisé en interne chez BNP Paribas Wealth Management (gestion de fortune) en Suisse et à destination des conseillers clientèle. Ce fascicule de présentation d'une cinquantaine de pages, datant de 2009, constitue une sorte de guide de la création de la société offshore à partir des filiales suisses.

  • Un montage pour faire disparaître le nom du détenteur du compte

Sur l'une des slides de la présentation, la banque prend comme par hasard l'exemple d'un investisseur "d'origine ukrainienne" qui voudrait détenir une société dans son pays, sans toutefois que son nom n'apparaisse officiellement. Tiens, tiens...

Il lui est conseillé (voir diagramme ci-dessous) , accrochez-vous, de créer une société offshore dans les Îles Vierges britanniques (BVI), qui investirait ensuite dans une compagnie maltaise, elle-même à la tête de 30% d'un holding de droit néerlandais, qui investirait à son tour dans un autre holding chypriote.

Au terme de ce montage financier? Le holding enregistré à Chypre détiendrait 100% de la société de M. X, qui est "d'origine ukrainienne", selon le document. Rien d'illégal bien sûr. Rappelons que détenir un compte, où qu'il soit n'a rien de répréhensible du moment qu'il est déclaré. Mais autant de manoeuvres pour mettre en place l'anonymat peuvent légitimement faire douter de la bonne foi du contribuable en question.

  • Un Ukrainien, un hasard?

La nationalité n'a sans doute pas été choisie par hasard: les pays de l'Est affectionnent tout particulièrement la petite île. Et pas que pour ses plages. L'agence Moody's estime à 19 milliards de dollars les seuls avoirs des sociétés russes, auxquels s'y ajouteraient 12 milliards de dollars d'avoirs de banques russes dans des établissements chypriotes. Au total, près de 22% du système bancaire de Chypre serait de nationalité russe, selon le cabinet de gestion d'actifs Alfa Capital.

La banque promet que l'intéressé percevra les revenus de sa société sous forme de dividendes ou de plus-values à Malte, où l'imposition est nulle.

bnp évasion fiscale

(Source : BNP Paribas Wealth Management)

 

  • BNP vante son "expérience terrain unique" aux Îles Caïman

 

La position de BNP Paribas au sujet des Îles Caïman est également pour le moins équivoque. Cette autre île sous le feu des projecteurs ne fait pas payer d'impôt sur les sociétés, pratique l'opacité des fonds entreposés et constitue le cinquième centre financier de la planète, après New York, Londres, Tokyo et Hong Kong. La plupart des entreprises du CAC 40 y ont d'ailleurs des filiales (ou dans une île équivalente).

BNP Paribas y a conservé 22 structures sur place, malgré son engagement à quitter les paradis fiscaux. Certes, selon la définition du terme "paradis fiscal" par la France et l'OCDE, les Îles Caïman n'en font pas partie. Il n'empêche, ce caillou de 260 km2 n'en reste pas moins un centre "offshore", à la réglementation très souple, pour ne pas dire "peu regardante". En effet, les sociétés écran permettent de cacher le nom de propriétaire. Et sans nom, pas de renseignements.

Sur le site internet de la banque, BNP Paribas vante d'ailleurs son "expérience terrain unique" aux Îles Caïman, en proposant ses services "à un grand nombre de sociétés de placement collectif et d'investissements alternatifs sous l'égide (…) de gestionnaire de fonds spécialisés". Parmi le savoir-faire de la banque, des services de "trustee".


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(Capture du site BNP)


De quoi s'agit-il? Des structures opaques, le plus souvent implantées dans des paradis fiscaux, et qui permettent de dissimuler des propriétés et des biens en rendant invisible le nom du véritable propriétaire. Les trusts "n'ont aucun intérêt pour les Français fiscalement... sauf à ce qu'ils fassent de l'évasion fiscale". Et ce n'est pas n'importe qui qui le dit: c'est Baudouin Prot, président de BNP Paribas en avril 2012 devant la commission d'enquête du Sénat.