Salaires : "des augmentations faramineuses" dans les ministères
En 2008, René Dosière avait poussé Nicolas Sarkozy à rendre plus transparent le budget de l'Élysée. Aujourd'hui, le député PS s'attaque aux ministères, beaucoup trop dépensiers
Le constat est le même que pour l'Élysée : « Alors qu'on demande aux Français de se serrer la ceinture, les cabinets ministériels s'offrent des augmentations faramineuses. Le gouvernement ne connaît pas la crise », écrit René Dosière dans son chapitre consacré au « maquis des cabinets ministériels ».
58 000 euros la minute
Sa démonstration a plus d'un mérite. Pédagogue, Dosière s'adresse à tout le monde en partant de choses concrètes, les voitures, les déplacements en avion, les frais de bouche… Les chiffres sont précis, crus, nombreux. Il nous rappelle par exemple que l'organisation de la conférence internationale lançant l'Union pour la Méditerranée, au Grand Palais, en 2008, avait coûté 16,6 millions d'euros pour trois heures : 58 000 euros la minute ! Ou le bilan carbone du président Sarkozy, évalué par Terra Economica équivalant à celui de 1 000 Français ordinaires !
Pourtant, la démarche n'a rien de populiste. Au contraire, René Dosière a concrètement fait évoluer la donne par le haut. Avec le « concours » du président de la République actuel, qui a fait siennes les trois propositions du premier livre de René Dosière, « L'Argent caché de l'Élysée ». À la propre surprise du député.
Le chef de l'État a tout d'abord doté l'Élysée d'un budget global de fonctionnement, mettant fin à un chaos indescriptible. Jusqu'alors, l'Élysée ponctionnait à l'envi une quinzaine de ministères autour de lui. Dans la plus grande opacité. L'on sait désormais que l'Élysée fonctionne avec un budget de 115 millions d'euros. Et le personnel d'une ville de 40 000 habitants.
Le silence de la présidentielle
Nicolas Sarkozy ne s'est pas arrêté là. Désormais, la Cour des comptes contrôle annuellement le budget de l'Élysée. Enfin, le chef de l'État fixe devant l'Assemblée sa rémunération. Un geste fort, dont l'opinion n'a retenu que le plus discutable : l'augmentation de 173 % net de son traitement que s'est octroyée d'un coup le président de la République. « C'est le côté bravache de Nicolas Sarkozy. Quand il a décidé cela, il était dans sa logique de rupture. Il est allé au bout. Je ne suis pas sûr qu'il ne le regrette pas aujourd'hui », constate René Dosière.
Depuis quelques mois, en effet, le pouvoir répugne à répondre à ses incessantes questions écrites. La présidentielle est proche. « J'ai quand même appris depuis la mise sous presse de mon livre que les plus gros salaires au cabinet de la Défense avaient encore augmenté de 24 % en 2011, et ceux du ministère des Affaires européennes, de 55 % (2). La logique continue… »
La « salle des machines »
Car les chiffres parlent. Et racontent le bilan de Nicolas Sarkozy d'une autre façon. Plus clinique. Moins passionnelle. En somme, nouvelle. On y voit tout. Son énergie, sa démesure, ses caprices, sa modernité, ses changements de cap, son recours massif à la communication…
L'on comprend aussi comment François Fillon a résisté au tsunami quotidien venu de l'Élysée. Matignon est une forteresse qui dispose d'un budget trois fois supérieur à celui de l'Élysée (365 milions d'euros) et de deux fois plus de personnel. Nicolas Sarkozy a eu beau chiper la résidence du Premier ministre et s'arroger la décision, il n'a pas pu affaiblir la « salle des machines » qu'est Matignon.
L'exécutif français vit dans une bulle.
Où l'argent continue de couler à flots. Les rythmes de travail sont infernaux, les parcours individuels coupés de la réalité du pays.
« Un État plus modeste mais plus fort car plus proche des Français » :
voilà pour quoi plaide René Dosière.
(1) Le livre de René Dosière paraît jeudi 2 février. « L'Argent de l'État. Un député mène l'enquête », éd. du Seuil, 285 p., 19,50 €. (2) Il est vrai que ce ministère n'était qu'un secrétariat d'État avant le dernier remaniement.
Par Dominique De Laage (RÉDACTION PARISIENNE)